18 Mars 2024
Le Grand Carême est le temps du repentir, de l'abstinence et de la croissance spirituelle. Nous ne pouvons pas progresser sans regarder dans notre monde intérieur pour apprendre qui nous sommes. Nous devons regarder vers l'intérieur, non pas pour nos vies qui ont leur fin, mais pour notre salut dans l'éternité. Le Seigneur a offert Son sacrifice ultime pour rendre notre salut possible. Le reste dépend de nous. Répondrons-nous à Son appel ou continuerons-nous à faire comme si de rien n'était?
Lors de leur rencontre de la première semaine du Grand Carême, les sœurs laïques et les moniales du monastère Sainte-Élisabeth ont partagé leurs réflexions et leurs expériences en regardant dans leur monde intérieur. Qu'ont-elles vu? Quels objectifs se sont-elles fixées? Voici quelques-uns de leurs récits racontés à la première personne.
Le père André (Léméchonok): les vrais héros travaillent dur pour se transformer de l'intérieur
Si nous regardons vers l'intérieur, nous commençons à comprendre l'héritage amer de l'Adam biblique. Nous nous rendons compte de son poids lorsque nous fondons une famille ou rejoignons un monastère. Il est facile d'être bon, noble, humble et généreux lorsque nous sommes seuls. Dès que nous assumons la responsabilité des autres, nous découvrons que nous ne sommes pas aussi justes, généreux ou purs dans l'esprit que nous l'imaginions.
Considérez donc l'ampleur du défi pour les moniales. Les gens les appellent "mères", ou "matouchkas" en russe, et leur imposent des normes incroyablement élevées d'amour, de spiritualité, d'humilité et de douceur. Cependant, les sœurs sont parfaitement conscientes de l'écart entre les attentes et la réalité, et de la difficulté de le combler. Elles reconnaissent leurs lacunes avec humilité. Néanmoins, elles vivent avec la confiance intérieure en leur victoire, et c'est déjà un acquis important.
Nous sommes tous des êtres difficiles. Certains peuvent parler pendant des heures de leurs péchés, mais ils ne commenceront pas tous à travailler sur eux-mêmes, à vivre simplement et à faire leur travail avec humilité. Pourtant, ceux qui le feront sont les véritables héros.
La moniale Tavifa (Biriukova): je suis inspirée par l'anticipation de Pâques
C'est toujours un défi pour moi d'entamer un conversation avec quelqu'un qui a une opinion différente de la mienne. Je ne peux pas attaquer une sœur de front. Je ne peux pas imaginer lui dire d'emblée qu'elle a tort ou qu'elle n'a aucune idée de ce dont elle parle. Je ressens le devoir d'écouter et de faire preuve de compréhension. Si nécessaire, je cherche les mots justes pour qu'elle remette en question sa position.
Pour moi, c'est un véritable exploit. J'ai l'impression d'être sur le fil du rasoir, à un cheveu de céder. En même temps, je me sens impuissante à la convaincre parce que je manque de confiance, que je ne connais pas assez le sujet ou que je ne peux pas m'exprimer de manière claire et lucide. Pour moi, le débat devient une épreuve redoutable, dont je ne sors pas toujours avec distinction, mais au contraire, avec le sentiment de ne pas avoir fait preuve de force intérieure. Cela me fait perdre la paix, l’équilibre et la grâce.
Pendant la période du Carême, je ressens cette insuffisance de manière très aiguë, mais j’ai aussi l'espoir que Pâques nous ramène à la vie. Pour moi, Pâques est un phare qui éclaire mon chemin, me donne la force d'aller de l'avant et de diriger mes pensées vers le Christ. C'est un moment inspirant où mes actions extérieures soutiennent ma croissance intérieure. Même un effort mineur pour restreindre mes désirs soulage mon âme. Pour nous tous, c'est un temps d'introspection et de contemplation.
La sœur Tatyana Gorodnikova: j’essaie de prier plus et de m’abstenir de jugement
J’avais l'habitude de rendre visite aux patients des hôpitaux, c’est une expérience mémorable. Le Seigneur nous a généreusement récompensés en nous donnant la capacité de Le reconnaître dans les autres et le sentiment d'une croissance intérieure. Actuellement, j'ai rejoint les sœurs qui tiennent les stands du monastère dans les grands magasins de la ville. Notre vie quotidienne est remplie de soucis, ils succèdent les uns aux autres, nous laissant trop peu de temps pour nous arrêter et prier. Ce travail est une grande bénédiction à cet égard: il me donne de nombreuses occasions de prier. Mes prières sont ma fenêtre sur la beauté du monde et des autres personnes.
Une prière m'est venue à l'esprit récemment: "Rends-moi, Seigneur, les vertus que j'ai perdues dans mes péchés". C'est à travers ces mots que j'ai découvert l’amour pour les gens. Un jour, je tenais notre stand dans un centre commercial. Des foules d'acheteurs passaient, mais personne ne venait vers moi. J'ai presque commencé à condamner les gens pour leur insensibilité. Alors j'ai commencé à prier et j'ai ressenti la grâce de Dieu. Les gens passaient toujours, mais je priais pour eux avec amour, et il n'y avait pas une trace de condamnation dans mon cœur.
Sœur Marina Sergeyeva: obéissons à nos pères spirituels !
Récemment, beaucoup d'entre nous ont regardé le film "Où es-tu, Adam?" Dans un épisode, le père spirituel pleure ses enfants: "Je prends une autre croix sur moi". Cela m'a rappelé ma première rencontre avec mon père spirituel, le père André (Léméchonok). J'attendais de le voir dans le hall de l'église Saint-Nicolas et j'ai assisté à la scène suivante. Deux sœurs, l'une en noir et l'autre en blanc, attendaient impatiemment qu'il arrive. Leurs noms étaient les mêmes que le mien: Marina. Quand le père André est arrivé, l’une d’elles a dit: "Père, envoyez-moi à la ferme, je ne veux pas rester ici, je suis trop mal à l'aise". ‟Marina, l’office n’est pas terminé, allez prier”, − a-t-il répondu. ‟Non, je ne veux pas!” Alors, l’autre Marina vient vers le père et dit: ‟Qui êtes-vous pour me dire ce que je dois faire? Pourquoi devrais-je vous obéir?”
Finalement, le père André a pris congé des deux sœurs, s'est assis à côté de moi et m'a demandé: "Comment vous appelez-vous?" "Marina", ai-je répondu. "Vous n'êtes pas comme elles, n'est-ce pas?"
De nos jours, beaucoup de gens négligent leurs prières et ne se soumettent pas à l'autorité, soit-ce pendant le Carême ou pas. C’est difficile de se faire prier même si on a le temps. Je n’arrive pas à me concentrer pleinement sur ma prière ni à y donner tout mon cœur. Je prends donc la bénédiction de mon père spirituel pour chaque jour. Si je me laisse aller à trop de libertés, je sais que je vais commencer à me relâcher.
Mon expérience m'a appris à valoriser la relation de confiance absolue avec mon confesseur. Dans cette relation, on s'abstient de tout jugement, positif ou négatif. Elle repose sur une confiance totale et rien d'autre. Les confesseurs connaissent leurs enfants spirituels sur le bout des doigts. Il n’est pas facile de s'ouvrir à Dieu en présence de quelqu'un qui vous connaît bien.
Nous avons tous besoin d'un père spirituel auquel nous allons obéir et demander sa bénédiction avant de prendre une décision. Il peut nous aider à éviter beaucoup d'erreurs.
Dans le film "Où es-tu, Adam", la scène du père spirituel pleurant ses enfants m'a donné un profond remords. Pour ce Grand Carême, j'ai pris la résolution de devenir plus confiante et obéissante. Voici une autre remarque du film qui me motive dans ma résolution: "Imaginez votre vie comme une multitude de pas et chaque jour comme un certain nombre de pas que vous devez faire. Alors, pour un chemin de cent pas, vous n'en ferez que trois et c’est Dieu qui fera les quatre-vingt-dix-sept autres pour vous."
Écoutons, prions et travaillons. Pensons à quel point Dieu nous aime. Je suis un enfant de Dieu et Il me fait avancer avec Son seul amour. Je réalise l'étendue de Son amour absolu et les dons illimités qu'Il m'a accordés et je me repens.
Père André (Léméchonok): nous ne pouvons pas recevoir l'Esprit sans donner notre sang
La plupart d'entre nous ont regardé le film "Où es-tu, Adam?" La scène avec les moines poussant leurs brouettes m'a rappelé l'époque où je travaillais douze heures par jour à la construction de la cathédrale de Minsk. Pousser des charrettes de ciment et le mélanger était physiquement éprouvant. Je me reposais pendant 12 heures et je revenais pour les autres 12 heures.
Même si ce travail était dur pour moi physiquement, il était vraiment libérateur. Je ne faisais rien d'autre que travailler et me reposer, ce qui ne me laissait ni le temps ni l’espace pour de vaines pensées. Le travail physique dur est utile à tout moine ou à toute moniale qui souhaite se libérer de ses passions. Après avoir dompté ses passions, on commence à progresser spirituellement. Comment est-il possible de progresser spirituellement sans un dur travail? Comment peut-on recevoir l'Esprit sans avoir d'abord donné son sang?
Le Seigneur a une grande sagesse. Il nous prépare progressivement au voyage dans le mer de notre vie. Ce n'est qu'ensuite qu'il nous laisse partir en pleine mer. Où pouvons-nous aller en toute sécurité quand les requins nous entourent? Mais au fur et à mesure que nous avançons, nous réalisons que notre plus grand danger ne sont pas les requins, mais notre contentement, notre oisiveté et notre paresse.
Le Seigneur est notre professeur et notre guide vers Son royaume. Il vient à nous lorsque nous sommes au plus bas physiquement et spirituellement. Il nous touche et nous transforme en profondeur. Quelle merveille! La puissance de Dieu se manifeste dans notre faiblesse. Le Grand Carême renouvelle notre vie spirituelle. Avec l’aide de Dieu, nous serons tous en mesure de réaliser notre plein potentiel de croissance dans cette vie.