20 Février 2024
Nous avons traversé le Grand Carême. Comme l'ont écrit les Saints Pères, nous payons la dîme à notre Seigneur en lui offrant notre temps et nos pensées. Comme aucune autre période de l'année, les semaines de Carême se distinguent par leur plénitude, leur intensité et leur profondeur de sentiment religieux. Elles constituent notre voyage de retour vers Dieu et vers nous-mêmes. Ce qui compte, ce n'est pas le nombre de kilomètres que nous avons parcourus, mais les jours, les heures et les minutes que nous avons passés à l'église. Car le Carême n'est pas un voyage dans l'espace mais un exercice d'introspection, l'aventure de la découverte de soi. Au cours de ce voyage, la prière remplit nos cœurs et nos esprits comme un torrent abondant qui nous purifie de toute chose impure.
Ce n'est pas un voyage facile. Rester debout pendant les services religieux pendant six ou sept heures est physiquement éprouvant. La chair regimbe contre les longues heures passées debout. Nous avons mal au dos et aux membres. Nous avons soif et envie de dormir. Mais il est encore plus difficile de rester alerte et de prêter attention à la douce lecture de l'Écriture et aux psaumes du roi David inspirés par Dieu. Nous ne pouvons pas apprécier immédiatement l'indicible beauté et la puissance de l'office de Carême. Il faut du temps.
Mais il y a aussi autre chose : un sentiment de joie insondable, une mystérieuse sensation de légèreté et de plénitude de l'esprit qui arrive doucement et tranquillement. Le Seigneur est l'Esprit, un bruissement doux et léger (3 Rois 19 : 12). Il répand son Esprit en abondance sur tous les fidèles qui endurent et persévèrent, même si ce n'est pas en tout et pas toujours, même si ce n'est pas dès le matin, mais vers la onzième heure (cf Matthieu 20 : 1-6) qu’ils sont venus à l'église pour entendre ce qui est lu et chanté, pour connaître Celui dont le nom est appelé et glorifié par les hommes et aussi par les anges et les saints qui participent invisiblement à la célébration de la Liturgie.
Le Grand Carême est une période exceptionnelle dans la vie de notre monastère. C’est à cette époque que les tonsures des soeurs ont lieu. Ce sont des moments inoubliables. Les soeurs meurent à leurs anciennes vies et renaissent à une vie nouvelle, en ayant reçu un nouveau nom. Désormais, la vie de chaque sœur appartient à Dieu seul ; elle s'abandonne volontairement au Seigneur. Selon la tradition monastique, les sœurs nouvellement tonsurées passent plusieurs jours et nuits à l'église. Qui pourrait savoir ce qui se passe dans le cœur d'une nouvelle moniale pendant ces jours ? C'est un mystère qui n’est connu que d'elle et du Seigneur. Une chose est sûre : la tonsure monastique nous transforme complètement.
Lors d'une de ses visites au monastère de Zhirovichi en Biélorussie, le métropolite Antoine de Souroge (Bloom), s'est exprimé ainsi sur le monachisme : "Comme l'évêque Théophane le Reclus l'a écrit, seules deux choses existent pour les moines - le Christ et leur âme immortelle. Les moines ont connu Dieu et L'ont tellement aimé que toutes les autres choses de ce monde sont sans importance. Le Christ est au-dessus de tout dans la vie. Cependant, cela ne rend pas le moine indifférent aux créations de Dieu, en particulier aux autres êtres humains. Inspirés par cet exploit, nous devons renoncer à toutes les choses terrestres pour Dieu et projeter Son amour infini et parfait sur toutes Ses créatures. Ce chemin d'amour est long et éprouvant".
Les semaines de Carême sont aussi éprouvantes pour nous. Nous devons être assez forts pour endurer notre chemin d'abnégation et de restriction. Pourtant, qui sème dans les larmes, moissonne dans la joie (Psaumes 126 : 5). Nos cœurs sont toujours en feu. Il y a plus de deux millénaires, les saintes femmes portant la myrrhe sont arrivées au tombeau de Jésus et ont entendu d'un ange la bonne nouvelle : "Le Christ est ressuscité !" Ces mots résonnent encore dans nos cœurs, et nous y répondons avec la même joie : ‟En vérité Il est ressuscité !”
Par la moniale Olga (Velikaya)