2 Décembre 2023
Le Mur des Lamentations et le Dôme du Rocher font partie des lieux saints de Jérusalem.
Photo ©Wikimedia Commons/Christophe asselin
Jérusalem, la ville « trois fois sainte », n'en finit pas de fasciner ses visiteurs, croyants ou non. Du Saint-Sépulcre au Dôme du Rocher en passant par le mur des Lamentations, la vieille ville semble avoir gardé le souvenir de tous ses pèlerins, quelle que soit leur religion.
«Je restais les yeux fixés sur Jérusalem, mesurant la hauteur de ses murs, recevant à la fois tous les souvenirs de l’histoire, depuis Abraham jusqu’à Godefroy de Bouillon, pensant au monde entier changé par la mission du Fils de l’Homme, et cherchant vainement ce Temple, dont il ne reste pas pierre sur pierre. Quand je vivrais mille ans, jamais je n’oublierai ce désert qui semble respirer encore la grandeur de Jéhova et les épouvantements de la mort. » C’est par ces mots que Chateaubriand, écrivain mais aussi pèlerin descendant de Croisés, décrit son émotion devant la Ville sainte. Yerushalaïm, Jérusalem, Al Quods, trois fois sainte, est, pour beaucoup de ses visiteurs, investie d’une charge symbolique unique.
Le mont du Temple Photo ©Wikimedia Commons/Godot13
« La sainte » Jérusalem « ville de paix »
Perchée à huit cents mètres d’altitude, à cheval sur plusieurs collines, chaude en été, souvent tapissée de flocons blancs en hiver, balayée par les vents, à la lisière du désert de Judée, Jérusalem dégage une lumière incomparable. La lumière des pays du Sud, mais aussi celle de cette pierre blanche avec laquelle est bâtie toute la ville. Cette pierre de Judée qui capte toutes les nuances du soleil et en restitue les reflets laiteux le matin, jaune d’or à midi et rosés en fin de journée. Et puis, pour certains, il y a quelque chose d’inexplicable, une force qui flotte dans l’air. La foi. Une foi qui transpire, qui suinte de chaque pierre de cette cité dix-huit fois détruite. Une foi qui anime et illumine chaque regard. Peut-être est-ce cela qui donne à la ville cette lumière si intense ?
Vue aérienne du mont des oliviers
Photo ©Wikimedia Commons/Godot13
Et pourtant, cette cité, dont le nom veut dire « ville de paix » en hébreu et « la sainte » en arabe, est fort petite. « À pied et en suivant l’enceinte des murs, il faut à peine une heure pour faire le tour de Jérusalem », souligne Chateaubriand. Les murailles sont édifiées au XVe siècle par le sultan ottoman, Soliman le Magnifique. Elles enserrent quatre quartiers historiques étroitement enchevêtrés – juif, chrétien, arménien, musulman. À l’est des remparts, trois collines marquées du sceau de l’histoire, du mont Sion au mont Scopus en passant par le mont des Oliviers. Ce dernier, cher aux juifs et aux chrétiens, a deux facettes, l’une d’un blanc laiteux comme les milliers de tombes jonchant le plus ancien et le plus grand cimetière juif au monde, l’autre verte comme la végétation qui sert d’écrin aux différentes églises presque toutes bâties aux XIXe et XXe siècles.
Église Sainte-Marie-Madeleine vue du mont des oliviers.
Photo ©Flickr/Dan
La vieille ville
L’enceinte de la vieille ville compte huit portes. Au cœur de la cité règne une atmosphère orientale et pieuse à la fois. De ruelles en placettes, les effluves d’épices, les tapis accrochés aux murs, les marchands rivalisant de sourires et de bonnes affaires pour séduire les badauds se mêlent intimement à ces religieux juifs, chrétiens et musulmans qui déambulent sans se voir, aux myriades de pèlerins russes qui ont retrouvé le chemin de la Terre sainte après quelque soixante-dix années de communisme, ou bien encore à ces Arabes chrétiens arborant une croix sur la poitrine. Et puis, au détour d’un escalier, le choc : le mur des Lamentations apparaît surmonté de la coupole dorée du Dôme du Rocher, qui semble dispenser la lumière de Dieu. Ces deux symboles religieux, juif et musulman, semblent littéralement imbriqués. Pour s’en approcher, un contrôle de sécurité, généralement rapide, est inévitable. Le mur des Lamentations – appellation chrétienne, les juifs le nomment Mur occidental – s’impose sur quinze mètres de haut et cent cinquante mètres de large. De-ci de-là, quelques touffes d’herbe jaillissent des énormes blocs de calcaire. À hauteur d’homme, la pierre est douce et polie, tant elle a été caressée et embrassée par les juifs se balançant comme des métronomes pendant leurs prières. Glissés dans les interstices de la paroi, des milliers de petits bouts de papier enferment leurs vœux les plus chers. Premier lieu saint du judaïsme, ce mur est le seul vestige du Deuxième Temple, détruit par Titus en l’an 70. Le Temple était juste au-dessus, à l’emplacement actuel de l’Esplanade des mosquées – mont du Temple pour les juifs.
Mur des Lamentations ou Mur occidental.
Le mont du Temple Photo ©Pxhere
Parmi les cyprès et les oliviers
L’Esplanade – le Haram el Sherif, Noble Sanctuaire, troisième lieu saint de l’Islam après La Mecque et Médine et qui, chaque année, rassemble cent cinquante à deux cent cinquante mille fidèles musulmans palestiniens pendant le Ramadan – s’étend sur une immense terrasse de douze hectares. Le Dôme du Rocher, flamboyant au milieu des cyprès et des oliviers, n’est pas une mosquée mais un lieu de commémoration. Édifice octogonal édifié à la fin du VIIe siècle sous le règne du calife omeyyade Abd el Malik, il abrite un rocher sacré d’où, selon la tradition musulmane, Mahomet serait monté au ciel. De loin, le sanctuaire d’un bleu franc, presque marine, paraît serti de l’azur du ciel. De près, sa façade est un camaïeu de mosaïques bleues, mais aussi jaunes, blanches, vertes et turquoise, représentant des figures géométriques.
Dome du Rocher
Photo ©Wikimedia Commons/Djex93
À l’extrémité sud de l’Esplanade, légèrement en contrebas du Dôme du Rocher, la mosquée El Asqa – ce qui veut dire éloignée en arabe, par opposition à la mosquée proche (Kaba) de La Mecque. Surmontée d’une coupole noire, la mosquée construite au VIIIe siècle est aussi sobre que le Dôme du Rocher est étincelant. Aujourd’hui, aucun de ces deux édifices n’est ouvert aux touristes. Une restriction liée à l’Intifada El Aqsa, qui a éclaté en septembre 2000. Cependant, jusqu’au milieu du XIXe siècle, c’est l’ensemble de l’Esplanade qui était stricte ment interdit aux non musulmans. La sortie à l’extrémité nord-est de l’Esplanade débouche non loin de la célèbre Via Dolorosa, voie suivie par les processions de pèlerins en mémoire du chemin emprunté par Jésus portant sa croix. En fait, le tracé de cette Via Dolorosa et de ses treize stations, établi au XVIe siècle par les franciscains, a, selon les archéologues, peu à voir avec la réalité historique. Si ce n’est les cinq dernières stations situées à l’intérieur du Saint-Sépulcre, lequel, selon toute vraisemblance, est bâti sur le lieu de crucifixion et de sépulture de Jésus.
L’arche Ecce Homo de la Via Dolorosa
Photo ©Wikimedia Commons/Kirschblut
Dans l’obscurité du Saint-Sépulcre
Après avoir été tour à tour détruit, reconstruit, incendié, rénové, le Saint-Sépulcre n’est plus l’édifice majestueux édifié par l’empereur Constantin en 326, ni même l’église grandiose construite par les Croisés. Aujourd’hui, la basilique est totalement imbriquée dans la ville. Impossible donc d’en faire le tour pour en apprécier le caractère monumental. Pire, à l’intérieur, le Saint-Sépulcre a été défiguré par les luttes intestines entre les Églises. L’espace est morcelé en une multitude de chapelles, de coins obscurs et de portes closes. La division de l’espace traduit celle du pouvoir entre les différentes communautés chrétiennes régnant sur ce lieu, au premier rang desquelles les franciscains, les Grecs orthodoxes et les Arméniens, suivis des Coptes, Syriaques et Éthiopiens. À l’entrée, la Pierre de l’Onction, l’une des parties communes de l’église. À droite, le Calvaire. à gauche, le Tombeau du Christ, vénéré par tant de croyants, est un simple édicule en pierre datant du XIXe siècle.Le tombeau d’origine a disparu lors de la destruction quasi-totale de l’édifice en 1009, par le Fatimide al-Hakim.
Église du Saint-Sépulcre Photo
Longtemps, Jérusalem est restée confinée à l’intérieur de ses murailles. C’est tardivement, dans la seconde moitié du XIXe siècle, que la population trop nombreuse commence à bâtir hors les murs et que la ville moderne émerge peu à peu sur les collines environnantes. Les juifs, majoritaires à Jérusalem dès 1870 (ils représentent en 2009 près des deux tiers d’une population de sept cent soixante mille habitants), sont les premiers à s’aventurer hors de la vieille ville. Ils s’installent à l’ouest de la cité. Les Arabes musulmans vont faire de même au nord et les Arabes chrétiens au sud – ces derniers seront ainsi à mi-chemin entre Jérusalem et Bethléem, autre ville emblématique du christianisme.