7 Novembre 2023
A l'occasion de l'année de la Miséricorde en 2015 la communauté de Taizé a fait peindre une icône qui raconte l’histoire du bon Samaritain.
Ce texte biblique du chapitre 10 de l’Évangile de St Luc donne un exemple concret de ce qu’est la solidarité vécue. L’icône a été réalisée par l’atelier français d’iconographie St. Jean Damascène.
Le personnage principal sur l’icône est le Christ, représenté debout au centre. Il est allongé et habillé d’un vêtement d’une couleur blanche tendant vers le vert. Son beau visage accueillant est la partie la plus significative de son corps. Avec sa main droite, il fait un geste de bénédiction et dans la main gauche il tient l’Évangile ouvert qui montre les lettres grecques alpha et oméga.
Le Christ est entouré d’une mandorle faite de strates de couleurs bleu foncé et rouge et de lignes blanches et en or qui animent la surface de la mandorle d’un mouvement ondulatoire.
Une épaisse bande blanche forme le bord de la mandorle. Cette bande ne se limite pas à suivre son contour, elle se détache en lacets qui forment six cercles placés régulièrement tout autour de la mandorle. A l’intérieur des cercles, la parabole du bon Samaritain est représentée en six épisodes.
De gauche à droite et de haut en bas, les images racontent ainsi des deux côtés du Christ ce passage de l’Évangile.
La première image montre les deux brigands qui frappent la victime.
Sur la deuxième, on voit celle-ci allongée par terre, et le prêtre et le lévite en train de passer en priant mais en laissant la victime au bord de la route.
Ensuite le bon Samaritain arrive avec son âne, se penche vers l’homme et le soulève.
Il soigne ses blessures.
À l’auberge l’homme blessé est dans un lit et le bon Samaritain à son côté.
Sur la dernière image finalement, la victime, le bon Samaritain et l’aubergiste sont assis en train de partager un repas autour d’une table.
Au-dessus et en-dessous de la mandorle avec le Christ en son centre, sont représentés quatre anges en train d’adorer Dieu.
Trois sont en rouge et le dernier est d’une couleur bleu verdâtre.
Tout en haut de l’icône, derrière les anges, se trouve une bande rouge qui suit un mouvement ondulatoire et en bas, derrière les anges, une bande verte.
Sur les bandes on peut lire : « Ce que vous avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40).
Signification
Le Christ en blanc est le Christ céleste, transfiguré tel qu’il viendra à la fin des temps. Par sa présence il nous bénit et il nous raconte l’histoire du bon Samaritain.
La mandorle signifie le mystère de Dieu que nous ne pouvons pas comprendre. Mais habillé en blanc comme un nouveau né, le Christ vient chez nous et il nous révèle Dieu.
Sur les images qui racontent la parabole, la victime est représentée également avec un vêtement blanc : le Christ est présent dans l’être humain blessé qui a besoin de notre aide.
Dans plusieurs des images, la position de la victime rappelle des moments de la passion du Christ (la flagellation, la déposition de la Croix).
Le bon Samaritain est habillé en vert, couleur qui symbolise la présence de l’Esprit Saint. Il est vrai qu’il n’est pas facile de venir en aide à ceux qui en ont besoin, mais si nous nous mettons à le faire, l’Esprit saint vient en nous et il agit à travers nous.
Sur la première image nous voyons trois personnes : les deux brigands qui frappent la victime. L’image nous montre une trinité défigurée.
Rappelant le récit du meurtre d’Abel par Caïn au début de la Bible, l’histoire commence par montrer l’harmonie brisée par le péché.
L’homme, pourtant créé à l’image de Dieu, n’est pas à sa ressemblance.
Sur la dernière image, nous voyons de nouveau trois personnes. Ils sont assis autour d’une table sur laquelle il y a une coupe – comme sur l’icône de la Sainte Trinité : l’harmonie trinitaire a été rétablie.
Tandis qu’une piété qui oublie le prochain, comme celle du lévite et du prêtre qui passent à côté de la victime, n’est qu’une forme d’idolâtrie, c’est l’amour, l’œuvre de charité accomplie par le bon Samaritain, qui restaure l’humanité à la ressemblance de Dieu.
Style artistique
L’icône a été réalisée selon la technique traditionnelle de l’iconographie transmise par l’Église orthodoxe : tempera à l’œuf et dorure sur une planche en bois couverte de lefka (enduit blanc à base de craie).
Comme pour la plupart des icônes, le style des représentations est principalement celui de l’art byzantin.
Mais considérant que l’art de l’icône n’est pas un don réservé uniquement à l’Orient chrétien, différents éléments de la tradition artistique de l’Occident, et spécialement de la région bourguignonne, ont été introduits dans l’expression de la figure du Christ et dans l’ensemble de la composition.
Ainsi le Christ rappelle le Christ en gloire de la chapelle des moines à Berzé, ou le Christ tel qu’il est représenté sur les tympans des églises romanes, par exemple à Vézelay.
L’ensemble de la composition, avec le jeu de lacets de la mandorle, s’inspire de l’art des enluminures.
D’un point de vue artistique, l’intérêt de l’icône se trouve surtout dans le fait qu’il ne s’agit pas d’une copie d’une image traditionnelle mais d’une représentation qui est nouvelle.
De la réflexion sur la parabole du bon Samaritain est née une image qui, à travers ses formes et couleurs, nous révèle l’Évangile avec une nouvelle fraîcheur. L’icône s’inscrit donc dans la tradition vivante par laquelle l’Esprit Saint nous fait toujours à nouveau découvrir la foi.
Les feux de la Miséricorde
Atelier Saint Jean Damascène
L’année de la Miséricorde, inspirée d’un approfondissement spirituelle et proposée par l’église catholique romaine, touche à sa fin.
Nous avons été heureux de participer à ce mouvement de prière et de projets, bien que l’on s’aperçoive que la Miséricorde n’est pas un acte unique et qu’il devrait permettre à nos églises séparées de faire vraiment acte de miséricorde et de se rapprocher l’une de l’autre.
La séparation des chrétiens pose la question suivante : la Miséricorde est elle vraiment pratiquée dans l’église ? comment témoigner de l’unité de l’église dans la division ? La séparation est grande. Un acte de miséricorde ne consisterait-il pas à oser se remettre en question : en sommes nous capable ?
Nous avons eu la joie de réaliser différentes icônes inspirées de l’icône commandées par la communauté de Taizé et intitulée ’icône de la Miséricorde" bien avant la déclaration de l’année de la Miséricorde dans l’église catholique.
L’une d’entre elle a été commandée par la communauté protestante de la Résurrection à Freibourg en Allemagne. Nous avions parlé d’une icône réalisée d’après la technique de la fresque pour diminuer le budget.
Lorsqu’elle a été terminée, il s’est avéré que la taille était trop importante (car le projet de la paroisse était de déplacer l’icône pour les groupes de prières).
Nous en avons donc réalisé une plus petite. Lorsque le docteur Steffer et son épouse sont venus chercher l’icône dans le Vercors, ils ont été touché par les deux icônes.
En fait, Mme Steffer est catholique et a été plus sensible à l’icône de grand format travaillée avec plus de matière tandis que Mr Steffer, protestant a été lui plus sensibilisé par la composition plus « immatérielle ».
Finalement, l’une et l’autre de ces icônes ont correspondu aux sensibilités différentes de ce couple. Ils sont ainsi repartis avec les deux icônes, l’une pour la paroisse catholique et l’autre pour la paroisse protestante.
C’était un clin d’œil du Seigneur pour marquer l’année de la Miséricorde possible seulement si l’on prend en compte les autres communautés et surtout celle protestante qui va célébrer les 500 ans de la mort de Luther.
Le mariage mixte (ce couple s’est rencontré à Taizé) est peut-être l’un des terrains possible de la construction de l’unité (ou au moins de la prise de conscience du fossé de la séparation)