4 Février 2023
Je dois vous faire une confidence : je suis tombée amoureuse d’une chapelle funéraire. Portant le doux nom de Watts Chapel, l’élue de mon cœur a été créée par Mary Watts (1849-1938), une artiste, designer et suffragiste écossaise.
Aussi petite qu’extraordinaire, la Watts Cemetery Chapel est nichée à Compton, dans le Surrey, une région rurale paisible dont le paysage est un poème à lui seul.
La Watts Chapel est une chapelle curieuse et unique qui mélange des styles Art nouveau, néo-roman, néo-celtique (Celtic Revival), néo-gothique (Gothic revival), préraphaélite, égyptien, byzantin, chrétien et juif.
La chapelle est remarquable précisément pour cela : un foisonnement de symboles et de motifs, de messages et d’archétypes, et un refus net d’établir une quelconque frontière, non seulement entre les croyances religieuses, les nationalités et les identités de genres, mais aussi entre la vie et la mort elles-mêmes.
La Watts Chapel est un monument d’autant plus incroyable qu’il est petit et étroit. De l’extérieur, sa silhouette en brique rouge détonne déjà dans le paysage verdoyant si caractéristique du Surrey.
Cette couleur à elle seule a suscité bien des interrogations : quelle idée que du rouge, pour une chapelle funéraire ! Mary Watts elle-même s’en était désolée, espérant que le rouge vif, formé par la terre locale utilisée dans les briques de la chapelle, deviendrait plus terne avec le temps.
Mais ce ne fut jamais le cas : la chapelle est restée éblouissante, en particulier au contact de la lumière dorée jetée par une tardive journée d’hiver.
Cette couleur à elle seule a suscité bien des interrogations : quelle idée que du rouge, pour une chapelle funéraire ! Mary Watts elle-même s’en était désolée, espérant que le rouge vif, formé par la terre locale utilisée dans les briques de la chapelle, deviendrait plus terne avec le temps.
Mais ce ne fut jamais le cas : la chapelle est restée éblouissante, en particulier au contact de la lumière dorée jetée par une tardive journée d’hiver.
Du reste, ces murs rouges annoncent la couleur : plusieurs messagers ailés présents dans la chapelle sont vêtus de cramoisi ou de bordeaux, la couleur de l’amour et de la vie, telle que l’explique Mary Watts elle-même dans son livre The Word in the Pattern (1905).
Autres originalités de la Watts Chapel
Autre originalité : la forme de la chapelle, qui semble plutôt emprunter à l’architecture byzantine ou orthodoxe plutôt qu’aux temples protestants anglais.
La structure cruciforme de la Watts Cemetery Chapel quant à elle est plus classique. Mais c’est le décor très élaboré de la chapelle, à l’extérieur et à l’intérieur, qui la rend unique.
À travers un syncrétisme symbolique et esthétique, Mary Watts exprimait sa conviction que les systèmes symboliques des différentes civilisations peuvent être synthétisés dans un langage visuel universel, reflétant des préoccupations humaines fondamentales.
Sur les façades de la chapelle se trouvent ainsi quatre frises représentant des caractéristiques humaines positives, chacune illustrée par une variété de motifs, d’anges et d’oiseaux en terracotta (terre cuite rouge).
Chemin de la Vérité
Ainsi, le Chemin de la Vérité est représenté par le hibou, symbole de la tristesse, d’obscurité, de retraite solitaire et mélancolique.
Chemin de l’Espoir
Ensuite, le Chemin de l’Espoir est incarné par le paon, qui perd ses admirables plumes arrières l’automne avant qu’elles ne repoussent au printemps suivant.
C’est aussi le symbole du soleil, formé par le déploiement de sa queue en forme de roue, qui évoque également le ciel étoilé. Le paon est encore symbole de transmutation et d’immortalité.
Il n’est pas rare de le croiser dans le symbolisme funéraire chrétien, par exemple sous la forme d’un paon s’abreuvant dans le Calice eucharistique.
Chemin de la Lumière
Le Chemin de la Lumière quant à lui repose sur la figure de l’aigle, le roi des oiseaux, qui a le don de voir beaucoup plus loin que n’importe quel autre oiseau.
D’un point de vue symbolique, l’aigle sert d’incarnation, de substitut ou de messager de la plus haute divinité céleste et du soleil, que seul lui ose fixer sans se brûler les yeux.
En particulier, il est l’attribut de Zeus et du Christ. Il symbolise aussi la figure du père et la paternité.
Chemin de l’Amour
Enfin, le Chemin de l’Amour met en scène un pélican, symbole d’une dévotion altruiste, cet oiseau ayant longtemps été réputé capable de nourrir ses jeunes de son propre sang en cas de disette.
Dans l’iconographie et la symbolique de l’Église chrétienne, le pélican symbolise aussi la piété, la charité et le sacrifice du Christ, qui verse son sang pour le salut du genre humain.
Intérieur de la Watts Chapel
Pour impressionnant que soit l’extérieur de la chapelle, rien ne prépare au choc esthétique et émotionnel qui se produit lorsque l’on en découvre l’intérieur.
Les murs et la coupole sont recouverts de peintures en relief et de sculptures dont la beauté et le caractère grandiose m’ont tout simplement submergée.
Grâce soit rendue aux bancs présents, qui m’ont permis de m’asseoir pour contempler toute l’étendue du travail fourni pour décorer, à de nombreuses mains, cette chapelle hors du commun.
Bien qu’il s’agisse d’une chapelle funéraire – un espace consacré ayant pour rôle d’abriter brièvement le corps des défuntes avant l’enterrement ou la crémation –, les symboles utilisés pour décorer la Watts Chapel n’ont rien de macabre.
Ici, point de crâne, point d’ossements pour rappeler que, toi aussi, tu dois mourir : non, ici, l’art et l’architecture sont conçus pour apporter du soutien et du réconfort aux personnes endeuillées qui se recueillent tout près du corps de leur proche.
L’autel est surmonté de The All-Pervading, un tableau de George F. Watts (1817-1904), l’un des peintres anglais les plus renommés de la période victorienne, en plus d’être l’époux de Mary Watts. Il était surnommé « le Michel-Ange anglais ».
Cette œuvre-là est une version réduite d’un tableau que l’artiste avait peint pour la Tate, aujourd’hui exposé à la Watts Gallery, à Compton.
Séraphins et chérubins
Au rouge chaleureux des murs extérieurs de la chapelle s’ajoute le bleu émeraude des murs intérieurs, un parti pris artistique qui fait ressortir les quatre immenses séraphins qui y sont peints en rouge cramoisi, une couleur, on l’a vu, utilisée pour représenter l’amour et la vie.
Ces anges-là jouent le rôle de piliers non seulement du monument lui-même mais aussi de Dieu, puisque dans la Bible, ils siègent autour du trône de Dieu lui-même. Leurs mains font le signe de la bénédiction : une main à la façon de l’église grecque ou orientale, et l’autre main à la façon de l’église latine ou occidentale.
Les arches de la chapelle quant à elles sont recouvertes d’une myriade de chérubins. 24 autres messagers ailés, faisant face ou bien tournant le dos au visiteur par alternance, représantent quant à eux la lumière et l’ombre qui émane de toute chose.
Pour en savoir plus sur le symbolisme de la Watts Chapel, je vous recommande vivement le livre Watts Chapel. A Guide to the Symbols of Mary Watts’s Arts and Crafts Masterpiece de Mark Bills (cf. bibliographie).