22 Avril 2024
Ordination et historique de la diaconesse dans l'Église Orthodoxe
(Mega Evchologion, rite oriental)
Un sujet certes "polémique", mais qui ne sera abordé que sous ses aspects liturgiques, patristiques & historiques. Comme seule remarque hors texte, je dirais que ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, après des siècles de persécutions externes, de transformations internes et d'uniformisation impériale souvent imposée de force (hé oui), etc, nous ne connaissons plus telle ou telle institution ou forme de vie dans l'Église, qu'elle n'appartient pas à la volonté divine pour le fonctionnement de Son Corps, qui est cette Église. Il y a 5 ou 6 ans, dans le "SOP", un métropolite Grec dont j'ai hélas oublié le nom faisait remarquer qu'à son avis, on avait beaucoup perdu en n'ayant plus d'évêques mariés, quand il voyait la "qualité" de certains de ses confrères, tous issus (comme lui) d'une certaine forme de vie monastique. Ce qui était hier, de par la volonté de Dieu, et qui a disparu par les vicissitudes de l'Histoire et du temps, peut bien un jour revenir. Pas nécessairement mais cela se peut. A Dieu appartient la direction de l'Eglise, car "le Christ est le chef de l'Église" (Ephésiens 5,23)
Sainte Bathilde, reine puis diaconesse
Ordination de diaconesse selon l'Euchologue
http://www.anastasis.org.uk/ordinations.htm
Le rite pour ordonner les femmes-diacres, ou diaconesses, n'est plus utilisé, bien qu'il était encore repris dans l'édition imprimée de l'Euchologue au 17ème siècle. La traduction actuelle vient de Goar, qui utilisait l'édition vénitienne de 1638 pour son Euchologue. On peut trouver un certain nombre d'autres versions du rite dans l'Euchologue de Dmitrievsky. Si aux premiers jours de l'Église les diaconesses avaient un rôle liturgique dans l'administration du Baptême et plus généralement dans le ministère auprès des femmes de l'assemblée, rôle analogue à celui des diacres auprès des hommes, à partir du 6ème siècle, comme le montre une lettre de Sevère d'Antioche adressée à une "archimandrite et diaconesse," le diaconat féminin semble avoir été conféré plus comme un honneur, en particulier aux abbesses et moniales âgées, plutôt que comme une nécessité pratique: "Dans le cas d'une diaconesse, en particulier dans les monastères, l'ordination n'est pas tant reçue pour le besoin de l'administration des Mystères, mais pour l'honneur seulement." Les 2 prières du rite, en particulier la seconde, semblent refléter le côté monastique de ce développement. Je pense qu'il n'y a pas de preuve que les diaconesses auraient joué un rôle équivalent à celui des diacres dans le rite eucharistique. Le 19ème Canon du 1er Concile de Nicée semble impliquer que les diaconesses ne seraient pas ordonnées, mais seraient des laïques. A partir de Chalcédoine, la situation semble avoir changé, et le rite étendu reflète ce développement. L'ordination a lieu au même moment de la Liturgie que pour les diacres, et le rôle principal du diaconat comme ministre du Calice est mis en évidence par la remise du Calice à la diaconesse nouvellement ordonnée. Cela indique clairement que la nouvelle ordonnée était admise dans le Sanctuaire et se tenait près de l'Autel. Le canoniste du 14ème siècle Mathieu Blastares note que "hormis pour quelques détails, l'ordination de diaconesses doit être accomplie comme celle pour les diacres." Il note en particulier que "on l'amène à la sainte Table." Les détails de rubrique dans les livres plus anciens sont rares, et le formulaire actuel d'ordination n'est pas complet. Suite à cela, nous ne savons pas comment la candidate était décrite ni quel était son état ecclésiastique avant l'ordination. Je ne crois pas que le fait qu'elle ne fait que se courber et ne s'agenouille pas ait la moindre signification théologique. La proclamation de l'Évangile est la tâche première de l'évêque, qui est ordonné devant l'Évangéliaire. Le diacre est le ministre du plus bas rang à qui il est permis de lire l'Évangile dans l'assemblée Chrétienne.
Ordo pour l'ordination d'une femme-diacre
http://www.anastasis.org.uk/woman_deacon.htm
Après l'accomplissement de la sainte Anaphore et l'ouverture des portes, avant que le diacre ne dise "ayant commémoré tous les saints" (1), celle qui va être ordonnée est amenée devant l'évêque. Alors qu'il prononce l'invocation, "divine grâce" (2), etc, elle courbe la tête, et il y pose la main. Il trace trois fois le Signe de Croix sur elle et prononce la prière suivante:
Dieu Saint et Tout-Puissant, Toi qui as sanctifié le sexe féminin par la naissance selon la chair de Ton Fils unique et notre Dieu d'une Vierge et qui as accordé non pas seulement au hommes mais aussi aux femmes, le don de Ta grâce et de la venue de Ton Esprit Saint, maintenant encore, Ô Maître, daigne regarder Ta servante que voici, appelle-la à l'œuvre de Ton service (3), et fais descendre sur elle les dons précieux de ton Saint Esprit. Garde la dans la Foi Orthodoxe, dans une vie irréprochable, menée selon ce qui T'est agréable, accomplissant son ministère (4) continuellement (5). Car à Toi appartiennent toute gloire, honneur et adoration, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.
Après le "amen", un des diacres prononce la prière suivante : En paix, prions le Seigneur. Et la suite, comme pour l'ordination d'un diacre masculin, avec les nécessaires changement de genre dans la prière pour la candidate.
[- Pour la paix d'en haut et pour le salut de nos âmes, prions le Seigneur.
- Pour la paix du monde entier, pour la stabilité des saintes Églises de Dieu, et pour l'union de tous, prions le Seigneur.
- Pour cette sainte maison, et pour tous ceux qui y pénètrent avec foi, piété, et crainte de Dieu, prions le Seigneur.
- Pour notre évêque N, pour l'ordre vénérable des prêtres, pour le diaconat dans le Christ, et pour tout le clergé et tout le peuple, prions le Seigneur.
- Pour le/la serviteur/servante de Dieu N, qui se fait ordonner diacre, et pour son salut, prions le Seigneur.
- Pour que Dieu, l'ami du genre humain, lui donne un diaconat sans tâche et sans scandale, prions le Seigneur.
- Faisant mémoire de notre très sainte, immaculée, toute bénie et glorieuse Dame, la Mère de Dieu et toujours vierge Marie et de tous les saints, offrons-nous nous-mêmes, les uns les autres et toute notre vie, au Christ, notre Dieu.
À toi, Seigneur."]
Pendant que le diacre dit cela, l'évêque, ayant toujours sa main posée sur la tête de celle qui est ordonnée, dit la prière suivante :
Maître et Seigneur, Toi qui ne repousses pas les femmes qui se consacrent à toi et qui veulent, suivant un divin conseil, Te servir dans tes Saintes Demeures, mais qui les accueilles dans l'ordre des ministres [du culte; ndt].
Accorde la grâce de ton Saint Esprit à Ta servante que voici, qui veut se consacrer à Toi et accomplir la grâce du diaconat, de la même façon que Tu as accordé cette grâce à Ta servante Phébée, que Tu avais appelée à l'œuvre du ministère (4).
Accorde-lui, Ô Dieu, de persévérer sans reproche dans Tes saintes églises, de veiller avec la plus grande attention à sa manière de vivre, en particulier à la chasteté, et fais la devenir Ta parfaite servante afin que lorsqu'elle se présentera devant le Jugement du Christ, elle puisse aussi recevoir la récompense qui convient à sa manière de vivre (6). Par la miséricorde et la philanthropie de Ton Fils Unique, avec Qui Tu es béni, etc.
Et après le "amen", l'évêque impose l'orarion de diacre sur l'épaule et autour de la nuque de la femme, sous le maphôrion, ramenant les deux extrémités par devant (7). Les autres diacres se tiennent debout hors du sanctuaire et disent : Ayant commémoré tous les saints, encore et encore, prions le Seigneur, etc. Après qu'elle ait reçu la Communion au saint Corps et saint Sang, l'évêque lui remet le Calice. Lorsqu'elle l'a reçu, elle le pose sur la sainte Table.
[1]. L'ordination prend place au même moment dans la Liturgie que pour les diacres masculins, et le rôle du diaconat comme ministère du Calice se voit mis en exergue par la remise du Calice à la diaconesse nouvellement ordonnée. Cela indique clairement que la nouvelle ordonnée était admise dans le sanctuaire et se tenait près de l'Autel. Le canoniste du 14ème siècle Mathieu Blastares note que "excepté sur quelques détails, l'ordination des diaconesses doit être accomplie comme celle des diacres." Il note en particulier que "elle est amenée à la sainte Table." Les détails des rubriques des anciens livres sont peu nombreux et la formule d'ordination concrète n'est pas donnée entièrement. Suite à cela, nous ne savons pas comment la candidate était décrite, ou quel était son statut ecclésiastique avant l'ordination. Je ne crois pas que le fait qu'elle ne fait que se courber et pas s'agenouiller aie la moindre signification théologique.
[2] Voir le rite d'ordination des diacres masculins.
[3] Grec: "diakonia".
[4] Grec: "leitourgia." Traduit ici et ailleurs par "ministère," et le verbe par "administrer."
[5] Cette prière est moins spécifique que pour le diaconat masculin et ne fait pas référence au "service des Mystères." D'un autre côté, il n'y a pas de distinction entre les sexes quant au "don du Saint Esprit" conferré par l'ordination.
[6] Alors que le modèle pour le diaconat masculin est saint Étienne, celui pour les diaconesses est sainte Phébée de Cenchrée, qui est clairement décrite comme "diaconesse" dans l'épître aux Romains chapitre 16. Par contraste avec la prière pour les candidats masculins, cette prière-ci souligne le fait que la femme s'est consacrée elle-même pour l'ordination, ce qui est plus une réminescence du rite la profession monastique.
[7] La diaconesse est décrite spécifiquement comme revêtue de l'orarion du diacre, mais elle le porte avec les 2 pans qui pendant devant elle, comme une étole occidentale, plutôt que par dessus son épaule gauche. Cette différence semble être une question d'ordre pratique, car la diaconesse portant le maphorion, ou ample voile monastique, cela aurait posé problème de devoir porter l'orarion sur l'épaule.