14 Février 2024
Déposition de l'Alleluia, que nos pères appelaient « Clausum Alleluia » ou les adieux de l'Alleluia.
"Quand, au XIe siècle, ce cri d'allégresse fut interdit à partir de ce jour (dimanche de la Quinquagésime), la piété chrétienne prit en affection l'acclamation joyeuse, comme elle eut fait d'une personne chère, dont elle eût éprouvé de la peine à se détacher.
Au moyen âge, ce congé fut même dramatisé en bien des endroits. On alla jusqu'à coucher un mannequin, appelé Alleluia, sur une civière et à le porter en cortège à sa sépulture provisoire. Des hymnes, antiennes, capitules et répons, en un mot toute une littérature émouvante exprimait la douleur des fidèles et les souhaits de « bon voyage » et « heureux retour ».
Chanoine Robert Lesage, Cérémoniaire de Paris, 1952.
Ci-dessous le texte du rite du « congé de l’Alleluia » qui est célébré depuis le 8ème siècle au tout début du carême.
Ce rite prend indifféremment le nom de « Enterrement de l’Alleluia », « Adieux à l’Alleluia », « Congé de l’Alleluia » ou « Clôture de l’Alleluia ».
Cet Office se place normalement à la fin des Vêpres du Mardi Gras au soir (mardi après la quinquagésime) qui sont en fait les vêpres du mercredi « des Cendres ».
Il en existe un bon nombre de formes différentes composées entre le 8eme et le 10eme siècle ; elles sont empreintes de sentiments divers selon les lieux, mais toutes reflètent le regret, la tendresse et l’enthousiasme pour Alleluia, cette parole céleste, compagne de notre prière.
Voici donc la Clôture de l’Alleluia, telle qu’elle est célébrée aujourd’hui dans les Eglises orthodoxes de tradition occidentale
Mardi avant les cendres
Vêpres
clôture de l’alleluia
Tout des vêpres de l’ordinaire en temps de carême sauf ce qui suit :
PSAUME ECCLÉSIASTIQUE
antienne
Alleluia !
Psaume 137
Sur les bords des fleuves de Babylone,
nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion.
Aux saules de la contrée,
nous avions suspendu nos harpes.
Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants,
nos oppresseurs, de la joie.
Chantez-nous, disaient-ils, un cantique de Sion ;
mais comment chanterions-nous les cantiques du Seigneur
sur une terre étrangère ?
Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’abandonne,
que ma langue s’attache à mon palais si je ne garde ton souvenir,
si je ne fais de Jérusalem le principal sujet de ma joie.
Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit.
Comme il était au commencement, et maintenant et toujours,
Et aux siècles des siècles. Amen.
Tout le reste selon l’ordinaire des vêpres en temps de carême jusqu’à la
Clôture
Cél. Le Seigneur soit toujours avec vous,
Ts. Et avec ton esprit.
Diacre (ou Chantre) :
Alleluia, enfermez et scellez cette parole ! Alleluia, qu’elle reste en repos dans le secret de votre cœur jusqu’au temps fixé, et quand le jour sera venu, vous direz dans une grande joie :
Ts Alleluia, Alleluia, Alleluia !
Cél. Bénissons le Seigneur !
Ts. Rendons grâces à Dieu.
Article sur l'enterrement de l'Alleluia dans des églises espagnoles
Cela peut en surprendre plus d’un, mais l’Église conserve un rite qui a été récupéré par plusieurs églises de Séville ces dernières années : l’enterrement d’Alleluia.
Oui, comme vous l’avez lu.
Il s’agit d’une tradition ancienne qui prépare les fidèles à l’arrivée d’une nouvelle saison liturgique, le Carême et qui a lieu le dimanche précédant Mercredi des Cendres.
A Séville il y a des temples, comme le chapelle de la Divina Pastora (dans la Calle Amparo), où ce rite a pu être vu dimanche dernier, le dernier dimanche de la première Saison ordinaire (qui se déroule entre Noël et le Carême).
Pour le comprendre, il faut revenir des décennies en arrière, à l’époque où la Semaine Sainte a été précédée d’une période de préparation spirituelle encore plus longue.
C’est ce qu’on a appelé la septuagésima qui commençait neuf dimanches avant Pâques, ou en d’autres termes, les trois dimanches avant l’arrivée du Mercredi des Cendres.
Ce jour-là et les jours suivants, l’Alleluia n’était pas chanté avant que le Christ ne soit ressuscité des morts.
Le triduum du carnaval
Les fidèles étaient ainsi préparés à la « période difficile » du Carême, quelques semaines de transition qui se terminaient par la fête de l’Avent triduum du carnaval afin de "réparer les âmes" pour les débauches commises pendant les festivités précédant l’ablation de la chair.
À cette fin, de nombreuses églises continuent d’exposer le Saint-Sacrement les jours précédant le mercredi des Cendres.
Un exemple à Séville est le triduum du carnaval dans la cathédrale – avec une danse de Seises– et celui qui célèbre le Congrégation de la lumière et de la bougie dans la paroisse de Santa Cruz.
Il existe des références, avant le Concile Vatican II, selon lesquelles l’enterrement de l’Alléluia était « théâtralisé », au point qu’il y avait des églises où un service spécial était organisé pour ce rite, avec une procession avec des croix, des acolytes, de l’encens et un chœur.
On creusait même une tombe dans laquelle on plaçait le texte de l’Alléluia jusqu’à la Résurrection.
Aujourd’hui, ce rite a été simplifié et adapté à la nouvelle liturgie.
Comme la septuagésime n’existe plus dans l'Eglise catholique, on célèbre l’enterrement de l’Alléluia le dernier dimanche avant le mercredi des Cendres.
À la fin de la messe, pendant que l’on chante ce chant, une tablette est transportée du maître-autel avec le mot Alleluia en lettres d’or.
La tablette est normalement placée dans un retable dédié à la Vierge, où elle est conservée sous une nappe en guise de sépulture.
L’Alléluia se lèvera à nouveau dans la Vigile pascale lorsque la tablette sera sortie de son « tombeau » et apportée au prêtre présidant la messe, qui dira alors : « Je vous apporte la bonne nouvelle d’une grande joie : c’est l’Alleluia ».
Il chantera ensuite l’hymne.
Dans la chapelle de la Divina Pastora, ce rite a été célébré dimanche dernier, lorsque la tablette avec le symbole de l’Alléluia a été placée sur la table.
Alleluia a été placé sous l’icône picturale représentant la Vierge en bergère des âmes.
Un autre symbole clair de l’imminence du Carême.