Message de Mgr Marc depuis les environs de Boston

Paix et joie chers frères membres du clergé, frères et sœurs de la communauté dans le Christ notre Seigneur !  

 Voilà trois jours que je suis auprès de Mgr Paul. Depuis hier, ses douleurs se sont bien atténuées grâce à une disposition médicale qui lui donne un meilleur confort. Je continue d’avoir plusieurs petits entretiens dans la journée.

À cause de sa faiblesse, sa voix est parfois presque inaudible, mais il a toujours une parfaite lucidité et une bonne mémoire.  Il se remémore sa première visite au monastère, sa rencontre avec Mgr Mael et sa certitude d’avoir trouvé la communauté qu’il cherchait depuis plusieurs années. 

Mgr Mael et Mgr Paul sont nés et ont grandi à Gardner dans le Massachusetts. Ils ont fréquenté la même école, la même église paroissiale et ont habité à deux rues l’un de l’autre. 

La seule différence était que Mgr Mael était d’une génération avant la sienne.  

 Tous deux sont issus de familles françaises. Mgr Mael avait pour prénom Paul avant de choisir le nom de Mael lorsqu’il devint évêque. Mgr Paul a pour prénom Kenneth avant de prendre son nom religieux. 

Hier, je lui ai montré des photos des pèlerinages que nous avons vécus en communauté et de ses séjours au monastère.

Tout ceci comme un résumé de ses 15 années dans l’Église orthodoxe celtique.  

Nous parlons beaucoup de la vie spirituelle, des épreuves et des tribulations nombreuses, mais nécessaires pour renoncer à sa volonté propre.  

Nous parlons de l’acquisition de l’humilité, de la pauvreté spirituelle qui est l’autre face de l’amour. 

Nous parlons du don de soi jusque sur la Croix sans laquelle la foi n’a aucun sens ; le primat de l’amour sur tout autre chose et la vérité en Christ qui ne s’obtient qu’en s’anéantissant en Lui ; de l’extrême simplicité de l’âme lorsque l’on a tout donné, loin des agitations intellectuelles, même théologiques. 

Nous évoquons les dangers qui menacent la foi au sein même de nos Églises, la confusion de la plupart des chrétiens qui ne savent plus la foi de leurs Pères.

 Puis, nous avons évoqué cette prière qui, en peu de mots, contient l’essentiel de l’Évangile.

L ’Amour est tout qui est Dieu-même ;

Qui en mon âme efface toute haine,

Efface toute mort, efface toute peur,

Efface toute ombre et toute noirceur.

L’ Amour est tout qui est Dieu-même.

De ceci fera ta règle de vie :

Amour et pauvreté sont Vie et Esprit.

Ces derniers mots, comprends si tu peux.

C’est là mon secret, secret même de Dieu.

Aime toute chose sans t’y attacher.

Aime tous les êtres sans les entraver ;

Mais, au-dessus de tout, Dieu faut-il aimer,

Car en Lui seul est Liberté.

Du pauvre François ceci est testament

Et pour ses nouveaux fils il sera père aimant.

L’Amour est tout qui est Dieu-même.

Amen.

Cette prière fut écrite par Mgr Mael de vénérée mémoire, mais elle a comme auteur, saint François d’Assise, qui à travers notre père, nous transmet un testament. Les mots de cette prière peuvent réjouir notre intelligence, mais les vivre dans la chair de notre humanité est tout autre chose.

Cette prière est axée sur ces mots : « De ceci fera ta règle de vie : amour et pauvreté sont Vie et Esprit. Ces derniers mots, comprends si tu peux. C’est là mon secret, secret même de Dieu. »  

La lente agonie de Mgr Paul traduit parfaitement ce que peut être l’amour et la pauvreté spirituelle lorsqu’elle est vécue dans le mystère de la Croix.

Depuis qu’il est alité, malgré ses souffrances, aucune plainte n’est sortie de sa bouche. Tout au contraire, son esprit d’oblation est tel que chaque instant est pour lui une bénédiction parce que laisser la Volonté de Dieu agir sans entrave en soi est une source de paix et de joies infinies.  

La Volonté de Dieu n’est rien d’autre que l’Amour ineffable qui sanctifie et rayonne dans l’âme et cela est visible à ce point qu’il illumine le visage. C’est tout à fait le cas de Mgr Paul. 

Ceux qui sont auprès de lui, disent combien c’est un patient agréable, constamment dans l’action de grâce, se souciant du bien des autres et s’oubliant parfaitement sans le moindre soupir sur sa condition. Il reste attentif à l’autre, prenant des nouvelles comme si sa maladie n’existait pas.

C’est à ce point d’acceptation que la première Béatitude de l’Évangile sur la pauvreté spirituelle devient le miroir de l’amour.  

Lorsque la souffrance est vécue en Christ, elle devient une souffrance d’amour. Elle place l’âme dans une telle disposition intérieure que l’Amour divin se reflète en elle. Elle est remplie d’un amour mystique inexprimable qui se traduit par une joie et un rayonnement lumineux palpables.

Après un long échange encore ce soir, nous avons terminé en chantant une partie de l’office de complies. Il a chanté avec moi à voix basse.  

Que le Seigneur nous bénisse et nous fasse miséricorde, faisant luire sa Face sur nous  (Ps 67,2).  

 + Marc, primat de l’ÉOC