23 Janvier 2023
Dimanche dernier, l'Eglise orthodoxe russe a commémoré saint Antoine le Grand. Nous nous souvenons de lui comme du père du monachisme, d'un phare de la droiture, mais surtout comme d'un guerrier courageux de la lutte intérieure contre le diable. Dans le monde d'aujourd'hui, où règnent la rationalité et le scientisme, il est rare de croire en l'ennemi intérieur. Peu de gens reconnaissent la nécessité de l'affronter spirituellement. Le diable est satisfait de cette situation ‒ il a la liberté de faire ce qu'il veut. L'exemple de saint Antoine est donc plus que jamais d'actualité et nous sert de source de sagesse en nous fortifiant dans notre combat spirituel.
Saint Antoine a affronté de multiples tentations du diable. Né dans une famille aisée, il a perdu ses parents à dix-huit ans et a dû s'occuper de sa jeune sœur. Un jour, à l'église, il a été frappé par la lecture de l'évangile concernant un jeune homme riche qui demandait au Christ comment avoir la vie éternelle. Ayant reçu le conseil de vendre ses biens et de suivre le Christ, l'homme riche s'en est allé, mais saint Antoine a obéi à la parole de Jésus après une réflexion douloureuse. Il a distribué ses biens aux pauvres, laissé sa sœur aux soins d'un couvent et est devenu ermite en dehors de sa ville natale. Il s’est mis à tresser des paniers pour gagner sa vie, mais aussi pour faire l'aumône. Par une vie ascétique, il a surmonté sa première grande tentation ‒ celle de la richesse.
Cependant, d'autres tentations ont rapidement suivi. Il a été envahi par la culpabilité. Avait-il raison de disposer de ses richesses comme il l'avait fait? Aurait-il pu en faire un meilleur usage? Aurait-il dû laisser l'argent à sa sœur? Le diable l’a tenté par l'ennui, la paresse et des mirages de femmes attirantes. Mais saint Antoine apaisait les passions par la prière et la contemplation du Christ. Il a intensifié son jeûne, ne s'autorisant à prendre de la nourriture qu'après le coucher du soleil et priant deux nuits sur trois.
Bientôt, il a continué la lutte sur le terrain de l'ennemi. Il s’est rendu dans le désert et s'est enfermé dans une grotte. Il a prié et jeûné, et le diable a redoublé ses attaques en essayant de faire le moine fuir de la grotte et du désert. D’abord, le diable s’est présenté comme une meute de bêtes sauvages affamées. Mais saint Antoine a traité le diable de bluffeur: "Si c'étaient les bêtes sauvages, il en suffirait une seule pour me dévorer", a-t-il observé et chassé le diable avec la croix. Après un certain temps, le diable est réapparu sous la forme d'un homme sombre. Il a reconnu sa défaite et félicité le saint pour sa victoire. Immédiatement, le saint a compris que le malin essayait d'éveiller en lui l'orgueil et la vanité et l’a chassé par la prière.
La peur et la séduction n'ayant pas fonctionné, le diable a agressé physiquement le saint pour le tuer. Un ami est venu lui apporter de la nourriture le lendemain matin. Il a pris le saint pour mort et l'a porté à l'église pour l'enterrer. À l'église, Antoine a repris conscience, et il est retourné à la grotte. Quand le diable est revenu, saint Antoine a crié au Seigneur. Sa lumière divine a brillé à travers le toit et l'ennemi s’est retiré. Antoine s'est exclamé: " Où étais-Tu, ô Jésus miséricordieux? Pourquoi n'es-Tu pas apparu dès le début pour mettre fin à ma douleur?". Le Seigneur a répondu: "J'étais là, Antoine, mais Je voulais voir ton combat". Après cette vision, ses blessures ont été guéries et ses forces lui sont revenues.
La lutte de saint Antoine montre que le diable est un ennemi violent, rusé et perfide. La sagesse mondaine nous apprend à négocier avec un adversaire si nous considérons qu'il est trop risqué de l'attaquer de front. Mais pour le saint, un compromis n'était pas possible. C’est donc un devoir pour tout chrétien que de combattre le diable jusqu'à la fin. "Celui qui n'a pas fait l'expérience de la tentation ne peut pas entrer dans le Royaume des Cieux. Sans tentations, personne ne peut être sauvé", ‒ a écrit le saint.
Saint Antoine ne s'est jamais résigné aux problèmes de ce monde. Il a quitté son ermitage pour venir à Alexandrie et s'opposer à l'hérésie d'Arius. Les gens l'écoutaient car il parlait avec la force de ses exploits ascétiques et de ses victoires spirituelles. Pour saint Antoine, la bataille contre le mal se déroule sur le champ de notre âme. Notre victoire consiste à vaincre nous-mêmes, à prendre le contrôle de notre âme, de notre corps, de notre esprit, de notre cœur, de notre volonté et de notre vie pour les consacrer à Dieu. On ne combat pas l'ennemi simplement en s'opposant à un mal global, comme l'avortement, le mariage homosexuel ou l'injustice.
Saint Antoine a vécu jusqu'à cent ans et a passé près de huit décennies en ermitage. Pourtant, sur son lit de mort, il se lamentait encore de n'avoir pas eu le temps de se repentir. C'est en vain que ses disciples l'ont félicité pour sa victoire spirituelle. Ses derniers mots furent : "Non, ce n'est que le début". Il nous enseigne que notre guerre intérieure est l'affaire de toute une vie.
Saint Antoine a vécu au quatrième siècle, mais il a été confronté aux mêmes tentations qui affectent les gens aujourd'hui, les laïcs et les moines, ‒ la richesse, le pouvoir, l'avarice, la luxure et bien d'autres passions. Ici, au monastère Sainte-Elisabeth, nous nous considérons comme en première ligne de la lutte spirituelle. Nous combattons l'ennemi par la prière, le jeûne et l'aumône, comme les moines le font depuis des siècles. Les gens en dehors du monastère sont plus vulnérables, ne pouvant pas se protéger des tentations physiquement, mais seulement spirituellement. Saint Antoine donne le même conseil pour à tous: "Faites le signe de croix. Le diable peut sembler puissant, mais il ne peux rien contre ceux qui mettent leur confiance en Dieu".
Par Alexandre Piskounov